Dressant le constat d’un monde fragmenté et d’une amplification de la compétition entre Etats qui se traduit par la multiplication de foyers de guerres jusqu’aux portes de l’Europe, le concept d’emploi des forces terrestres (CEFT) décrit l’offre stratégique renouvelée de l’armée de Terre à l’horizon des quinze prochaines années. Face à des adversaires systématisant l’approche hybride, la préparation et l’emploi de la force opérationnelle terrestre SCORPION, en cours de modernisation, s’inscrit résolument dans une stratégie de défense formant un ensemble cohérent. Forces conventionnelles et forces nucléaires s’y épaulent mutuellement. Elle investit progressivement tous les champs de la conflictualité - physique, virtuel et cognitif - et renforce la capacité à intervenir sur l’ensemble du spectre des conflits, dans tous les milieux géographiques et humains, de la guerre asymétrique à la guerre hybride et jusqu’à la haute intensité, dans l’hypothèse d’un engagement majeur. L’armée de Terre confirme enfin son aptitude à opérer systématiquement dans un cadre interarmées, interalliés, multinational et interministériel, lorsque les circonstances l’exigent, tout en demeurant capable de remplir les responsabilités dévolues à une nation-cadre.

 

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RFT 3.2.0 - Concept d'emploi des forces terrestres (CEFT)

 

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La première des trois parties du concept, intitulée « Nouvel environnement, nouvelle conflictualité », dresse le cadre général de l’action militaire. Elle pose le constat d’une dégradation persistante de l’environnement sécuritaire, qui s’exprime dans un paradigme renouvelé de la conflictualité via le triptyque compétition-contestation-affrontement. La compétition entre les États est désormais un fait permanent. Elle combine des dimensions politiques, économiques, culturelles, militaires, matérielles et immatérielles, systématiquement relayées dans les champs informationnels. Phase de « friction intermédiaire », la contestation survient lorsqu’un compétiteur, devenant de facto un adversaire, cherche à atteindre un objectif stratégique en faisant en sorte que la crise reste sous ce qu’il estime être notre seuil d’acceptation. Enfin, l’affrontement désigne la phase de confrontation militaire face à un ennemi, jusqu’à l’engagement de haute intensité.

Aujourd’hui le milieu aéroterrestre se fragmente, se sature en flux matériels comme immatériels et se complexifie par l’intrication de facteurs objectifs comme subjectifs portés par d’incessantes ruptures technologiques et d’usages. L’armée de Terre répond aux défis que soulèvent ces mutations en combinant, autour de forces morales consolidées, les apports d’une numérisation croissante et du développement de systèmes autonomes robotisés qui appuieront les unités de la force terrestre. Elle s’appuie également pour cela sur la poursuite de sa modernisation via son programme de combat infovalorisé SCORPION et son prolongement capacitaire TITAN 2040, organisé autour du système de combat de décision Main Ground Combat System (MGCS).

La deuxième partie, « Participation des forces terrestres aux fonctions stratégiques et à l’action interarmées », présente les capacités de l’armée de Terre qui contribuent aux fonctions stratégiques (connaissance et anticipation, prévention, intervention, protection-résilience et dissuasion) et aux opérations interarmées. Par leur large spectre capacitaire et leur expérience du combat, unique en Europe, les forces terrestres permettent de répondre à tous les types de scénarios et d’offrir une palette d’options d’engagement. Elles s’appuient sur leur posture opérationnelle permanente, leur entraînement durci, leurs forces prépositionnées en outre-mer et à l’étranger, leurs partenariats militaires opérationnels, leurs forces spéciales, leurs brigades interarmes polyvalentes et différenciées[1] et leurs structures de commandement ad hoc. Elles peuvent ainsi successivement participer à la levée de doute (et, plus globalement, à l’anticipation stratégique), contribuer à marquer la détermination politique et contraindre l’adversaire au renoncement avant, si nécessaire, de mener le duel de l’affrontement majeur.

Enfin, la dernière partie, « L’affrontement, du corps d’armée aux groupements tactiques interarmes », traite de l’engagement aéroterrestre et précise les périmètres de responsabilité et d’action de chaque niveau de commandement.

Confrontée à un ennemi protéiforme, aux interactions multiples dans les champs physiques comme immatériels, et à la complexité du milieu humain et physique, au sol, sous le sol et dans l’espace proche du sol, la composante aéroterrestre, appuyée par les autres composantes, façonne son adversaire, pour le neutraliser ou le détruire, en intégrant les effets cinétiques et non-cinétiques pour opérer dans toutes les dimensions et dans les champs immatériels (cyberespace, électromagnétique et informationnel).

Considérant les conditions et principes d’engagement des forces terrestres, la mise en œuvre de ces modes d’actions implique l’application du principe de subsidiarité à tous les niveaux de commandement, pour permettre aux échelons subordonnés de saisir les opportunités et d’agir de manière autonome en cas de neutralisation de l’échelon de commandement supérieur ou de rupture (volontaire ou subie) des communications. Cette subsidiarité, appuyée par la résilience des systèmes d’informations et des structures de commandement, repose sur la compréhension de l’intention de l’échelon supérieur et l’intégration de la manœuvre dans l’action globale. Les structures de commandement adoptées permettent ainsi une manœuvre d’ensemble cohérente à tous les niveaux et entre tous les niveaux. Elles s’appuient sur l’impératif de disposer pour un volume de forces considéré, de responsabilités de conception, de planification/conduite ainsi que de capacités d’exécution adéquates et distribuées jusqu’aux plus bas échelons.

Dans cette logique, le corps d’armée conçoit et garantit la cohérence de la manœuvre dans le temps, et facilite l’engagement. La division est consacrée en tant que premier niveau de manœuvre complet : il conçoit la manœuvre aéroterrestre et peut prendre le rôle d’intégrateur et de synchronisation en l’absence d’un corps. La brigade interarmes, premier niveau d’interopérabilité multinationale, conçoit et conduit les actions de contact. Le groupement tactique interarmes et le sous groupement tactique interarmes exécutent la manœuvre interarmes. En complément, le combat collaboratif introduit par SCORPION apportera rapidité de décision et d’exécution, concentration des effets et dispersion, gage de protection. L’imprévisibilité sera au cœur de la conception de la manœuvre aéroterrestre et mise en œuvre à travers la saturation et la déception.     

Pour l’armée de Terre, il s’agit in fine de prendre l’ascendant sur ses compétiteurs dans tous les champs de la confrontation, qu’ils soient physiques, virtuels ou cognitifs en combinant notamment masse, technologie et agilité manœuvrière. Une telle ambition repose sur la poursuite de la modernisation de ses capacités de combat, en investissant simultanément dans les nouvelles technologies et les forces morales, cœur de la résilience des forces terrestres.

[1] Brigades blindées de décisions, brigades médianes et amphibie, brigades d’urgence parachutiste et montagne – grand froid, brigade d’aérocombat, brigade franco-allemande.


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