Penser l’augmentation des futurs chefs de l’armée de Terre : pleine conscience, cohérence cardiaque et hypnose.

Dans le cadre de leur scolarité à l’école de guerre-Terre (EDG-T), les officiers-stagiaires de la 135e promotion réalisent chacun un projet de recherche innovant. Au cours de l’année, 10 semaines leur sont allouées pour poursuivre une réflexion autour d’un sujet d’importance stratégique. 

Le commandant Éric, stagiaire de la promotion 2021/2022, a choisi d’orienter ses recherches autour de la pleine conscience (mindfulness), de la cohérence cardiaque et de l’hypnose pour tenter de déterminer dans quelle mesure ces pratiques pourraient participer à l’amélioration du fonctionnement cognitif, notamment de prise de décision, des chefs de l’armée de Terre face à une situation de stress en état-major. Pour ce projet, le commandant Éric travaille en étroite collaboration avec Adrien Jimenez, réserviste du service de santé des armées (SSA), ancien infirmier militaire désormais expert en psychologie positive et instructeur de méditation en plein conscience.

 Pendant longtemps, le concept du soldat augmenté s’est centré autour de l’amélioration de ses capacités physiques, respectueuses du cadre éthique de la doctrine française. Pourtant, la fonction commandement, notamment lors des OPEX, implique de hauts niveaux de stress, y compris de stress moral, et de saturation cognitive. Celle-ci est reconnue comme particulièrement éprouvante pour les chefs tactiques. Dans cette dynamique, les obligations répétées qui incombent aux chefs de « décider dans l’incertitude » deviennent aussi un combat pour éviter une usure logique, voire un risque d’épuisement du chef.

À ce sujet, la pleine conscience et l’hypnose s’avèrent désormais des pistes d’intervention de plus en plus pertinentes pour optimiser les capacités cognitives et la résilience psychologique des décideurs militaires. Elles participeraient à l’efficacité individuelle et en conséquence à l’efficacité collective du groupe. Force est de constater que jusqu’alors, les expérimentations effectuées s’adressaient principalement aux unités d’élites des forces armées pour des emplois particuliers (ex : GIGN, GCM, pilotes de chasse, sous-mariniers, etc.). Aussi, l’objectif recherché est de dépasser les travaux liés à l’étude sur la résilience individuelle et de passer à une échelle collective sur la fonction commandement.

 Afin d’obtenir des résultats opérationnels et d’évaluer les véritables bénéfices de ces pratiques, le commandant Éric collabore avec l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) qui l’accompagne sur toute la démarche de son étude grâce au médecin chef des services Marion Trousselard qui dirige l’unité « neurophysiologie du stress » au sein du département « neurosciences et contraintes opérationnelles ».  En effet, l’IRBA développe des outils et méthodes (contre-mesures) ayant fait leurs preuves pour permettre l’optimisation des capacités de résilience des militaires. Le stagiaire de la 135ème promotion s’est également formé durant 4 jours de stage à l’autohypnose à l’école centrale d’hypnose de Paris (ECH) et pourrait poursuivre sur une formation d’hypnothérapeute. Pour le commandant Éric et Adrien Jimenez, l’objectif est de faire réaliser des ateliers permettant de travailler la pensée, la réflexion et la métacognition afin d’agir en pleine conscience. Pour les personnes qui participent à ces ateliers, le but recherché est de se voir en tant qu’être agissant, présent et disponible intellectuellement pour l’instant T.

 Pour mener à bien le volet sur l’évaluation des bénéfices de ces formations, le binôme s’appuie sur un groupe volontaire de stagiaires de la promotion 2021/2022 de l’EDG-T.

 En décembre dernier, pour la première phase du projet, deux groupes ont ainsi été créés pour être comparés (deux groupes de 38 personnes dont un groupe de contrôle). Le groupe contrôle est dit en liste d’attente et pourra bénéficier de l’intervention après l’étude. Ce dernier groupe sert à contrôler le risque de biais d’un effet placébo qui expliquerait le bénéfice par le seul fait de porter une attention aux stagiaires. Chacune des personnes a reçu un questionnaire initial individuel pour évaluer son fonctionnement psychocognitif (e.g., disposition à la pleine conscience, son sentiment d’efficacité, sa métacognition, son leadership). Dans un second temps (de janvier à mars), le premier groupe a suivi une formation à la pleine conscience par Adrien Jimenez durant 6 semaines à raison de 1 heure et demie par semaine au sein de l’EDG-T. En parallèle, les stagiaires ont également pratiqué de manière individuelle la cohérence cardiaque grâce aux dispositifs Zenspire® gracieusement prêtés par la cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (CABAT) pour cette étude. La troisième et dernière phase qui a commencé au mois d’avril permettra au travers d’un questionnaire final d’évaluer les bénéfices individuels et collectifs par rapport aux constats initiaux réalisés en décembre 2021 en employant le groupe n’ayant pas reçu la formation comme groupe témoin de celui l’ayant effectuée.
Aujourd’hui, on estime que les bénéfices liés à ces micro-formations peuvent durer jusqu’à 1 an après pour les personnes ayant participé aux ateliers : à deux conditions 1) ne pas subir d’événements dramatiques qui viendraient interférer dans les processus de psychologie positive mis en place et 2) continuer à s’entraîner individuellement de manière régulière.

 L’analyse des premiers résultats et le retour déjà effectué par certains pratiquants pourraient conduire à pérenniser cette étude et ces ateliers dans un avenir proche au sein de l’école de guerre-Terre pour les promotions futures. En effet, la thématique d’optimisation des capacités cognitives des militaires est un enjeu déterminant pour l’armée de Terre qui approfondit depuis quelques temps sa réflexion autour des forces morales.

@EdgTerre ; @CDECAdT

 

20220519 NP EdG T projet recherche innovant

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