Présidé par Madame la Députée Patricia ADAM, Présidente de la Commission de la Défense Nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale et par le général d’armée Jean-Pierre BOSSER, chef d’état-major de l’armée de Terre, le 12e colloque annuel de doctrine de l’armée de Terre s’est tenu à l’École Militaire le 10 février 2016.

Il a été privilégié cette année de s’interroger sur les nouvelles formes de conflictualités et notamment celles liées à un ennemi hybride, et donc sur les formes de réponses que nos armées peuvent apporter à ces nouvelles menaces. Depuis plusieurs décennies, les armées occidentales conduisent des opérations dans des espaces géographiquement limités, face à des adversaires principalement asymétriques.
Aujourd’hui, de l’Ukraine au Proche-Orient, des conflits embrasent de nombreuses sous-régions, opposant aux forces régulières un ennemi fréquemment qualifié d’hybride.

 

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20160108 NP CDEF afficheLa réflexion sur les nouvelles formes de conflictualités n’est pas nouvelle. De tout temps, les forces armées ont dû s’interroger et adapter leur stratégie, leur doctrine et leurs capacités aux nouvelles formes de guerre : de l’ennemi conventionnel à l’ennemi asymétrique, de la guérilla au terrorisme transfrontalier, l’utilisation de nouvelles armes nucléaires, chimiques et biologiques… Aujourd’hui, la menace cyber entraîne elle aussi une nouvelle réflexion et une nouvelle adaptation.

La question de l’adaptation des forces armées occidentales à ces conflits est donc permanente.

Parmi ces nouvelles formes de conflits, il y a celles provoquées par l’ennemi hybride sur lesquelles on peut s’interroger. Quelles peuvent être les  réponses de l’Armée de Terre face à ces nouvelles menaces. Avec quelles capacités futures ? Quelle stratégie militaire ? Et quelle éthique ? C’est sur ces questions qu’ont portées les interventions du colloque de doctrine de l’armée de Terre organisé par le CDEF le 10 février 2016.

Daesh est l’exemple type et actuel de l’ennemi hybride agissant dans les champs matériels et immatériels à la fois.

Cet ennemi asymétrique est un terroriste sans éthique, sans règles de droit, sans respect de la dignité.

À l’arrière ou à l’avant c’est le même ennemi : la continuité opérationnelle est manifeste. Les opérations extérieures permettent d’assécher ses richesses et de contester ses conquêtes territoriales. Et sur le territoire national l’armée protège la population.

Toutefois il n’y a pas de continuité juridique entre les deux théâtres. Des questions juridiques et de doctrine sur l’emploi de l’armée de Terre sur le territoire national pour faire face à cette menace se posent donc déclare Madame Patricia ADAM, présidente de la Commission de la Défense à l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle, début 2016, le SGDSN a produit un rapport sur le sujet parallèlement à un débat sur le sujet au Parlement.

 

La première partie du colloque s’est attachée à définir l’hybridité. Pour le GCA CASTRES, sous-chef Opérations à l’EMA, nous sommes aujourd’hui confrontés à une menace directe et durable contre nos intérêts et contre notre sécurité sur le territoire national comme à l’étranger.

L’incarnation de cette menace, c’est le terrorisme d’inspiration salafiste avec Al Qaida et Daesh.

Face à cette menace, l’approche globale est nécessaire. Il nous faut agir sur toutes les dimensions, militaire mais aussi politique, économique et sur tous les leviers qui alimentent les crises. Le militaire n’est qu’un mode d’action parmi d’autres pour résoudre les crises.

Il faut aussi une stratégie globale, interarmées, interministérielle et internationale, car les crises sont interconnectées, et quand Daesh faiblit en Syrie, il cherche à se développer en Libye.

Cette stratégie s’appuie sur quatre lignes d’opérations selon le Général CASTRES : empêcher que les différents foyers d’implantation de Daesh ne se rejoignent, tarir ses flux, soutenir les forces régulières et irrégulières dont nous sommes sûrs, intervenir ponctuellement pour désorganiser les réseaux terroristes, et enfin renforcer la protection de nos concitoyens sur le territoire national.

Pour le Général, cet ennemi a pour caractéristiques de se fondre dans la population, de contrôler un espace immense, d’être organisé en réseaux, d’avoir recours à des capacités bon marché afin de contourner notre avance technologique et d’utiliser les NTIC pour sa propagande.

Il est donc nécessaire de garder l’initiative, d’être capable d’agir dans des espaces vastes, et rapidement, et de mener des actions dans le champ des perceptions.

Pour le chercheur Élie TENENBAUM de l’IFRI, la persistance de la question des nouvelles conflictualités dans le débat stratégique des 25 dernières années révèle l’inadaptation des outils de défense occidentaux à des formes de guerre se distinguant du modèle régulier dont nos armées sont issues et pour lequel elles ont été calibrées.

Le conflit en Ukraine ainsi que le développement de l’État Islamique sont deux exemples du concept de « guerre hybride » qui remettent en question notre outil de défense tel qu’il est organisé, selon le chercheur.

Employé pour la première fois en France dans le Livre Blanc de Défense et de sécurité nationale de 2013, le concept de guerre hybride a été ensuite employé par le Secrétaire général de l’OTAN en 2014 pour qualifier la stratégie russe en Ukraine, puis en France après les attentats de 2015 pour qualifier Daesh.

Le concept de guerre hybride est pourtant apparu bien avant ces événements. Il apparaît pour la première fois en 2005 aux États-Unis pour qualifier la situation en Irak. Il y qualifie alors la complexité de ce champ de bataille caractérisé par la violence, la guerre civile intercommunautaire, le terrorisme international, l’insurrection contre l’occupant et la dissémination d’armes de destruction massive. Ce concept sert ensuite en 2006 à qualifier la guerre entre Israël et le Hezbollah au Liban caractérisée par un ennemi irrégulier, asymétrique, mais utilisant les moyens et techniques d’armées régulières. En 2009, l’OTAN s’intéresse aussi à ce sujet par l’intermédiaire de son Commandement de la doctrine et de la transformation (ACT), avant de publier un autre texte, en commun avec le Commandement des opérations (ACO) fin 2015 et de le soumettre aux Ministres des affaires étrangères de l’Alliance.

Pour définir la guerre hybride, Monsieur TENENBAUM parle ainsi de « la combinaison en une seule stratégie, voire une seule manœuvre, des modes de guerre régulier et irrégulier ».

Toutes les guerres peuvent être considérées comme hybrides au plan politico-stratégique. Mais la combinaison des modes réguliers et irréguliers en une seule manœuvre est plus rare selon le chercheur de l’IFRI.

Pour compléter cette définition, le Général de corps d’armée Éric MARGAIL, commandant le CRR-FR, précise que l’approche hybride consiste à utiliser tous les modes de conflictualités, tous les types d’outils et d’acteurs pour déstabiliser l’adversaire par la complexification et l’accélération de l’action. L’adversaire hybride, est multiforme dans sa nature et dans ses modes d’actions. Il  fait la guerre en recourant à des modes d’action qui dépassent le champ de la guerre conventionnelle et qui s’éloignent des règles formelles et juridiques de celle-ci.

Dans l’art opératif, la manœuvre hybride place l’adversaire dans un dilemme entre la concentration des efforts (selon le principe bien connu de la guerre régulière) et la dispersion de la guerre irrégulière, afin de quadriller le territoire face à la guérilla et au terrorisme.

Élie TENEBAUM identifie trois types de manœuvres hybrides :

-     Les manœuvres hybrides de type offensif comme en Ukraine où une armée régulière utilise des forces irrégulières pour accélérer sa progression

-     Les manœuvres hybrides de type défensif comme le Hezbollah où un belligérant attaqué décide de recourir à une irrégularisation partielle de son dispositif

-     Les manœuvres hybrides de type révolutionnaire où un belligérant non-étatique cherche à s’emparer d’un territoire par une manœuvre où il transforme son outil paramilitaire irrégulier et défensif en outil militaire régulier et offensif. Ce modèle caractérise l’expansion de Daesh en 2014-2015.

Il ne faut pas oublier le rôle des évolutions techniques dans l’hybridité, c’est-à-dire des armements et technologies qui semblaient être l’apanage des armées régulières mais qui viennent à présent décupler les capacités tactiques et stratégiques de nos adversaires hybrides : mines, drones, missiles SATCP, antichars et antinavires, et réseaux sociaux qui leur permettent de faire entendre leur discours et revendications dans le monde entier.

La guerre hybride est donc un concept d’opérations mêlant guerre régulière et irrégulière dans une manœuvre intégrée.

Pour Christian MALIS, chercheur chez Thalès, la notion de guerre hybride est un moyen pour l’OTAN de reconstruire un projet d’entreprise commun pour ses membres au moment où la cohésion des alliés est mise à mal par la situation dans l’Est de l’Europe.

Par l’hybridité, la Russie ainsi que la Chine cherchent à obtenir des résultats stratégiques par tous les moyens sauf la guerre ouverte. Tandis que Daesh lui cherche à poursuivre la guerre par tous les moyens avec un objectif d’expansion.

Le terrorisme révolutionnaire, comme celui de l’État Islamique, a pour objectifs stratégiques de cliver les communautés, saturer les forces de sécurité, susciter une répression disproportionnée afin de rallier le peuple à sa cause, ruiner l’économie et discréditer l’État.

Pour cela, l’infosphère permet à des idéologies de se diffuser largement et d’endoctriner, d’attirer à la lutte révolutionnaire totale des individus en renouvellement fréquent.

À côté du terrorisme révolutionnaire global, il y a la techno-guérilla, telle qu’inventé par le Hezbollah en 2006 contre Tsahal. Il s’agit d’un mode défensif de la guerre en réseau assez efficace. Ce mode de guerre combine des tactiques classiques de guérilla avec l’usage de technologies avancées (drones, JVN, missiles antichars, antinavires, moyens de guerre électronique…). S’y ajoute l’usage massif des munitions courte portée et des roquettes ainsi que l’utilisation de la guerre psychologique sur internet et à la télévision.

Pour le Général de division PARLANTI, directeur du CICDE, l’hybridité est une forme de conflit efficace pour les États qui souhaitent parvenir à leurs fins sans renoncer à leur statut et sans escalade immaîtrisable. Pour des entités non étatiques, cette forme de conflit masque les sources de leur puissance.

Pour le Général PARLANTI, on assiste aujourd’hui à une remise en cause des références structurant le monde précédent :

-     Les frontières sont en crise (murs dans certaines régions, tandis que partout le numérique tend à les estomper),

-     Le droit international est contesté,

-     Les crises se globalisent dans la durée et s’imbriquent avec un fort niveau de violence,

-     Les perceptions sont au cœur des crises,

-     Les États sont ambigus,

-     La nature des acteurs a changé.

Nous sommes donc confrontés à une « drôle de guerre » dit le Général : une guerre en cours, globalisée, sans bataille décisive. Dans ce contexte, la volonté et la vision sont aussi importantes que les capacités.

La stratégie hybride se nourrit donc de l’ambiguïté. Elle use des asymétries. Elle est aussi une guerre de perception, avec une part importante donnée aux actions d’influence exploitant les possibilités offertes par internet et les réseaux sociaux.

Le Général PARLANTI évoque en conclusion de son intervention quatre grands défis :

  1. Les causes de déstabilisation et de recours aux stratégies hybrides sont connues et identifiées (fragilité des régimes politiques, économie mono-dépendante, prolongation ou aggravation des conflits, frictions d’origine ethnique ou religieuse, conquête des ressources…). Le premier défi consiste donc à basculer l’effort donné sur les conséquences en un effort de prévention pour neutraliser les causes ou en limiter les effets, sur un plan global et pas uniquement militaire.
  2. Le deuxième défi consiste à faire partager cette vision de l’environnement stratégique à nos partenaires car l’ennemi hybride exploite les failles à l’intérieur des alliances.
  3. Troisième défi : il faut identifier les problèmes à temps pour agir au bon moment et de manière durable. Nous devons identifier le problème sécuritaire, le moyen approprié de son traitement et l’effet final recherché. Pour cela il faut bâtir une stratégie globale et durable avec des capacités consacrées, une vision permanente et une volonté dans l’objectif à atteindre.
  4. Enfin, le dernier défi consiste à d’une part garantir la suprématie dans tous les milieux (3D, maritime, spatial, numérique), et d’autre part à renforcer notre résilience pour nous garantir la liberté d’action.

Partant d’une tentative de définition et de caractérisation, puis des défis soulevés, quelles peuvent-être les réponses militaires à apporter aux menaces hybrides et avec quelle approche capacitaire ?

Ces réponses ne sont pas faciles évidemment car il y a dans la guerre hybride une asymétrie des volontés. Où l’un des belligérants agit pour des motifs beaucoup plus faibles que ceux de son adversaire. L’une des difficultés posées par la « guerre limitée » (Corentin BRUSTLEIN), réside justement dans l’asymétrie des contraintes politiques, financières, légales et morales, entre les belligérants.

La réponse militaire doit donc composer avec ces contraintes. Pour pouvoir y répondre, les armées doivent couvrir tout le spectre des opérations (régulières, irrégulières). Et justement, les forces armées françaises n’ont jamais exclu aucun type d’opérations de leur champ d’action.

Cette réponse à apporter est nécessairement plus complexe car l’adversaire est ici plus compétent dans des domaines dans lesquels il a des avantages comparatifs. Il nous faut donc réfléchir à l’adaptabilité et la versatilité de nos forces, source de liberté d’action sur le théâtre.

La crise ukrainienne constitue un exemple de déploiement de capacités hybrides par une puissance conventionnelle. Pour l’OTAN, s’engager collectivement en réponse à cet adversaire hybride pose la difficulté de partager au préalable une analyse commune sur l’agression et la désignation de l’agresseur.

De plus, ces nouvelles formes de conflictualités augmentent la complexité intellectuelle de la conception et de la conduite des opérations.

L’adversaire hybride complique notamment la vie des État-major en créant la surprise dans le temps, l’espace et les modes d’actions. Quels défis cela pose-t-il à un système de commandement se demande le général MARGAIL ?

-     un défi tactique : l’adversaire sature notre capacité de compréhension et de réaction par la juxtaposition d’actions de nature différente,

-     un défi juridique : l’adversaire ne respecte pas les mêmes règles du jeu,

-     un défi de perception,

-     un défi technique,

-     un défi de courage et de lucidité politique,

-     un défi technique, avec l’enjeu notamment de la cybersécurité.

Pour relever ces défis, nos forces armées doivent s’adapter dans les domaines suivants :

-     le renseignement,

-     le domaine juridique par une évolution du droit des conflits armées et la maîtrise des cas de conflits juridico-ethniques,

-     la communication,

-     et sur l’agilité des postes de commandement afin de travailler rapidement.

Le Général MARGAIL identifie pour cela deux axes de progression : des exercices plus légers et plus nombreux permettant d’acquérir une connaissance des sujets compliqués, et un entraînement qui doit être basé sur des situations réelles permettant d’identifier les problématiques majeures, nos lacunes et mieux connaître les zones d’engagement probable.

En conclusion, le Général MARGAIL ajoute un ultime axe de progression : développer notre capacité à agir sur les champs immatériels.

Pour le Général de division Bernard BARRERA de sous-chef plan-programmes à l’EMAT, l’hybridité est une stratégie intégrale employant tout ou partie de leviers militaires et non militaires. Aussi, comment s’y opposer et avec quelle approche capacitaire se demande-t-il ? La réponse requiert une stratégie large et multicanaux selon lui, s’appuyant sur une palette capacitaire complète et agile. Pour l’Armée de Terre, affronter l’hybridité nécessite donc un modèle capacitaire robuste, complet et cohérent, avec un effort sur l’action dans les champs immatériels. C’est tout l’objet du modèle d’armée « Au contact », porté par le CEMAT.

Afin de déterminer la réponse capacitaire à opposer à cet adversaire, le Général BARRERA tente au préalable de caractériser l’ennemi hybride.

Celui-ci s’appuie sur une motivation d’essence existentielle s’inscrivant dans le temps long qui lui permet de recruter et manipuler la population. Il est aussi caractérisé par des lieux choisis dans des milieux complexes, vastes, rudes, difficilement accessibles à nos capacités modernes.

L’ennemi hybride possède une faculté d’adaptation technique et tactique : c’est l’emploi de capacités nivelantes (NTIC, drones, missiles, imprimantes 3D) qui le distingue de l’ennemi asymétrique. L’ennemi hybride manœuvre et peut nous contester localement une supériorité d’ordinaire incontestée.

Selon le Général BARRERA, face à cette menace, il nous faut donc une réponse capacitaire multicanaux, comprenant notamment des actions de cyber-connaissance et d’influence, afin de contrecarrer la propagande de l’adversaire, localiser les menaces et identifier les réseaux.

Parmi les aptitudes majeures que doivent posséder nos forces armées pour pouvoir vaincre cet ennemi, il faut selon le Général :

-     pouvoir surprendre l’ennemi hybride grâce à la combinaison des effets aéroterrestres, des forces spéciales et des forces interarmées, grâce par exemple au programme SCORPION qui permettra un combat collaboratif plus décentralisé et rapide ;

-     il faut être capable de chercher et détruire l’ennemi dans les zones urbaines, au milieu des populations, en montagne, dans le désert…

-     il faut pouvoir projeter des volumes de forces critiques (forces spéciales, lourdes et médianes) ;

-     il faut refuser le dilemme du tout humain contre la technologie. C’est la juste suffisance de la technologie associée à la rusticité et à l’endurance des hommes qui permet de combattre dans des terrains difficiles ;

-     il faut appliquer la cyber-protection pour lutter contre la pénétration de nos réseaux de commandement par l’ennemi ;

-     il faut conforter la force morale et l’inflexibilité éthique de nos soldats face à un ennemi agissant dans la population, sans limites ;

-     enfin, il faut placer au cœur de nos préoccupations capacitaires la contribution à la protection de nos troupes sur le territoire national.

Pour le Général BARRERA, nos adversaires arrivent à jouer sur tous les leviers d’une stratégie d’action globale qui nous pose un défi capacitaire. Face à cela, il faut nous doter d’un modèle capacitaire complet, en recherchant les technologies émergentes qui nous permettront de surclasser l’ennemi pour remporter la victoire.

Autre question posée par l’ennemi hybride : quelle stratégie militaire générale appliquer face à cet ennemi, incarné notamment par Daesh qui nous a déclaré la guerre et cherche notre destruction ? 

Pour le Général de division François-Xavier de WOILLEMONT, adjoint au Major général des armées à l’EMA, notre stratégie militaire générale a trois objectifs :

-     gagner la guerre globale contre le terrorisme djihadiste et protéger les Français et nos intérêts ;

-     bâtir ou conserver une armée capable de s’adapter rapidement à tous les types d’engagements d’aujourd’hui et aussi de demain ;

-     permettre à la France de rester un acteur important du jeu des puissances.

Quels doivent être dans ces conditions nos efforts pour faire face à cet ennemi hybride ?

-     conserver ou reprendre l’initiative en agissant rapidement afin de créer la surprise chez lui ;

-     voir loin, prendre en compte le temps long, nous inscrire dans la durée et faire preuve de persévérance (temps immédiat politico-médiatique versus temps long des opérations permettant de produire les effets attendus) ;

-     élaborer une stratégie militaire au service de la stratégie nationale ;

-     contribuer à la résilience de la Nation.

En conclusion du colloque, le Général d’armée Jean-Pierre BOSSER, Chef d’état-major de l’armée de Terre, a évoqué le modèle « Au contact », en cours de finalisation et pour lequel le sujet de ce colloque alimente les réflexions.

La mise en place de ce nouveau modèle s’explique notamment par le fait que la guerre s’est désormais étendue au territoire national, terrain sur lequel nous n’étions plus habitués à combattre et résister.

Si la guerre s’étend et se complexifie, c’est l’armée de Terre qui doit y faire face. Même si l’action de celle-ci est intégrée dans une manœuvre interarmées et interalliée, c’est elle qui agit au sol, auprès des populations.

Le CEMAT définit l’hybridité par la « porosité entre guerre régulière et guerre irrégulière. »

Le CEMAT caractérise ensuite les conflits actuels de la manière suivante :

-     nous sommes devenus des protagonistes des engagements militaires, nous sommes désormais en guerre ;

-     il y a un paradoxe grandissant entre des actions tactiques courtes et violentes et une stratégie qui vise au contraire le contournement de puissance ;

-     une place croissante est donnée au champ des perceptions et de l’information. Avec le caractère nivelant des nouvelles technologies, les puissances traditionnelles sont concurrencées par de nouveaux acteurs non-étatiques comme Daesh ;

-     le principe de territorialité n’existe plus. Nos zones d’opérations sont transfrontalières et vont jusqu’à notre territoire, tandis que l’information transcende elle aussi les limites géographiques ;

Afin de répondre à ces conflits et ces enjeux, le CEMAT propose de décloisonner notre action et notre réflexion.

Tout d’abord, l’ennemi fonctionnant en réseau, il faut le désorganiser, le cloisonner en ciblant ses réseaux logistiques, ses centres de décision, ses filières de recrutement et le discréditer sur le champ informationnel.

L’un des enjeux du nouveau modèle « Au contact » est justement de conjuguer finement les capacités d’agression et de destruction avec les capacités d’observation, de renseignement et d’influence (SCORPION, SIC, commandement du renseignement).

L’armée de Terre doit pouvoir s’adapter à un monde de plus en plus complexe, en adaptant une organisation flexible et en cherchant davantage la déconcentration et la subsidiarité. Cette organisation flexible, telle que voulue dans « Au contact », facilitera les remontées en puissance et permettra de répondre à tous les types de menace. Cela justifie donc le maintien de tout le spectre des capacités. Le décloisonnement de notre organisation est un des fondements majeurs du modèle « Au contact ».

Notre réponse elle aussi doit être décloisonnée, entre l’intérieur et l’extérieur du territoire (« même soldat à Gao ») et avec nos partenaires et alliés, afin que soit partagé le fardeau sécuritaire.

Notre réponse doit aussi être décloisonnée en interministériel afin de proposer une réponse globale comportant un volet sécuritaire et une dimension économique, politique, culturelle, médiatique, sociétale.

Enfin, il faut décloisonner également le cadre espace-temps. Il faut une forte empreinte au sol. Le dogme du tout technologique a montré ses limites selon le CEMAT. Il faut déployer des hommes ! Cela conforte la pertinence des forces pré-positionnées qui peuvent agir rapidement pour circonscrire des foyers de crise avant qu’ils ne deviennent incontrôlables.

Cela valide aussi la nécessité d’une forte présence sur le territoire national. Pour cela, l’armée de Terre cherche à développer une nouvelle posture de protection terrestre à l’instar des postures de protection maritime et aérienne déjà existantes.

Nous devrons aussi être capables d’accélérer le temps pour reprendre l’initiative avec des capacités d’anticipation et de planification, en renforçant les domaines du renseignement et cyber.

En conclusion, il faut chercher en permanence à mieux comprendre la guerre déclare le Général d’armée BOSSER. Cette nouvelle organisation de l’armée de Terre nous donne la possibilité de répondre aussi bien à une menace de haute intensité classique qu’à une menace hybride

 

Acronymes

NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication

IFRI : Institut Français des Relations Internationales

CRR-Fr : Corps de Réaction Rapide - France

SATCP : missile Sol-Air Très Courte Portée

JVN : Jumelles de Vision Nocturne

CICDE : Centre Interarmées de Concepts, Doctrines et Expérimentations

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