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Le programme du colloque

 

Placé sous le haut patronage de monsieur Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale, le colloque de Doctrine annuel de l’armée de Terre a eu lieu le mercredi 4 décembre 2013 14h, à l’Assemblée nationale, salle Victor Hugo.

 

Opération Serval : le retour de la manœuvre aéroterrestre dans la profondeurDans le droit fil d’une décennie d’aguerrissement et d’adaptation des Forces terrestres, l’opération Serval  est une illustration de la capacité opérationnelle de l’armée de Terre agissant dans un environnement interarmées. La manœuvre offensive aéroterrestre dans la profondeur qui a été conduite au Mali a mis en lumière des facteurs de succès dans l’emploi combiné d’un large spectre de capacités, et aussi identifié de nombreux défis.

Dans le cadre de la fonction stratégique « intervention » et dans l’esprit du nouveau Concept d’emploi des forces (CEF), référence doctrinale Interarmées qui définit le cadre dans lequel les armées sont appelées à opérer, l’objectif de ce colloque est d’animer la réflexion autour de ces facteurs de succès et de ces défis. Il s’agit de préparer les interventions futures et d’éclairer, à la lueur de Serval,  la poursuite de l’effort d’adaptation doctrinale et capacitaire que l’armée de Terre conduit dans le cadre du nouveau modèle d’armée. Dans un souci de cohérence entre les missions et les capacités, ainsi que l’exige l’un des principes directeurs du Livre blanc . L’introduction a pour objectif de présenter le cadre politico-militaire et les orientations fixées par notre stratégie militaire.

La première table ronde  s'était concentrée sur les facteurs de succès qui ont permis, du point de vue des Forces terrestres, de réussir la manœuvre tactique du premier mandat de l’opération Serval :  comment intégrer ces leviers en amont de l’engagement ? Comment les façonner une fois sur le terrain, en prise avec l’adversaire ? Avec un zoom particulier sur la coopération avec les Forces spéciales et le témoignage vivant d’un chef de corps engagé au contact.

La seconde table ronde, plus prospective, réfléchissait sur certains des défis opérationnels qui nous attendent : la maîtrise du temps, si structurant dans les opérations, les interactions Forces aériennes - Forces terrestres, l’interaction avec des partenaires européens et africains.

Compte-rendu du colloque

Après s’être intéressé au territoire national et au rôle de l’armée de Terre dans la sauvegarde des populations en 2012, le colloque annuel de doctrine de l’armée de Terre du 4 décembre 2013 traitait de la « fonction intervention » en s’appuyant sur une opération extérieure récente, dont le théâtre n’est toujours pas clos : l’opération Serval au Mali.

Marquant le retour de la manœuvre aéroterrestre dans la profondeur, cette opération offensive rythmée a mis en exergue, outre l’aptitude des forces françaises à agir dans l’espace terrestre quelle que soit sa dureté, des modes d’action très variés, allant du raid blindé au combat à pied, en passant par l’opération aéroportée. C’est la combinaison de ces modes d’action et de leurs effets tactiques, obtenus par l’intervention des différentes composantes, qui a permis des opérations d’envergure dans la profondeur sur un territoire aussi vaste et d’amoindrir sérieusement un adversaire organisé et déterminé.

L’intervention de la France n’aurait pas été aussi efficace, sans une préparation en amont de cette opération (2009-2010) et sans l’aide de nos alliés (africains, européens et américains). Serval  a ainsi montré qu’une certaine interdépendance avec les alliés était une réalité avec laquelle la France est obligée de compter pour conduire ses opérations.

Serval  a rappelé que: la clarté du mandat donné par le politique est essentielle pour la bonne conduite des opérations, l’Afrique est une zone d’intérêt prioritaire pour la France mais aussi pour l’Europe, la première force d’une armée est de pouvoir intervenir vite, le savoir-faire de notre armée en Afrique a été précieux.

Opération menée avec succès, Serval  a démontré que notre capacité à se projeter loin du territoire national et à entrer en premier sur un théâtre, étaient l’une des clefs de notre autonomie stratégique. Serval  a aussi démontré la capacité de nos armées à mener des combats exigeants dans des conditions difficiles. Enfin, Serval  a démontré la cohérence de nos armées et l’étendue de leur savoir-faire. Notre armée a combattu comme elle s’est entrainée.

Le succès de Serval  s’est appuyé sur plusieurs facteurs : des objectifs clairs, soutenus par une forte détermination politique et les opinions publiques nationale et internationale, un renseignement orienté sur la zone depuis 2009, la réactivité du processus décisionnel, le dispositif de forces pré-positionnées en Afrique, la pertinence du dispositif de réaction immédiate, la qualité de la préparation opérationnelle, un modèle d’armée complet, paramètre de l’autonomie stratégique de la France, la rapidité de l’action, la faculté d’adaptation du soldat français au terrain, la capacité de conjuguer rusticité et haute technologie, la bonne intégration interarmées et interarmes, la coordination des forces spéciales et conventionnelles et enfin la maitrise de la force.

Lors de l’opération Serval , les forces terrestres ont retrouvé la possibilité de manœuvrer sur de grands espaces, après plusieurs années de combat de contre-insurrection dans des espaces plus  réduits en Afghanistan. Les équipements modernes ont montré leur plus-value, les plus anciens ont résisté mais démontré des signes d’essoufflement inquiétants. Les groupes armés qui ont pu être localisés ont été détruits, lors de combats rapprochés, en véhicules puis à pied, en les surprenant par une manœuvre interarmes et interarmées. Ces capacités, alliant rusticité et haute-technologie, ne valent que par les hommes qui les servent, par leur savoir-faire acquis lors de leur préparation opérationnelle.

 

Au Mali, la logistique a constitué un défi quotidien. La rapidité de la manœuvre, l’importance des élongations et la dureté du climat comme du terrain, ont contraint le commandement à arbitrer constamment entre les capacités à projeter et les besoins immédiats sur le terrain. En dépit du sous dimensionnement logistique initialement accepté et malgré le rythme élevé de la manœuvre, il n’y a pas eu de rupture des flux logistiques.

Cependant, Serval  a aussi montré les limites de notre outil de défense : déficits capacitaires dans les domaines de la projection stratégique et tactique, limites de certains matériels vieillissants et insuffisance des moyens de renseignements aéroportés pour assurer une permanence dans la longue durée.

Serval  a montré qu’il fallait pouvoir s’adapter à la réalité de l’opération du moment, différente de l’opération précédente, que la complémentarité de capacités différenciées a garanti l’efficacité du combat interarmes et a permis d’emporter la décision. Ce constat a conforté les choix du Livre Blanc visant à préserver un juste équilibre entre forces légères, médianes et blindées, qui constituent un ensemble de moyens de combats complémentaires garantissant à la France son autonomie de décision dans la conduite des opérations.

Considérant l’instabilité des zones d’intérêt prioritaire de la France définies dans le Livre Blanc, le CEMA estime que la France aura à commander d’autres interventions de type Serval , exigeant d’être capable d’entrer en premier et de réduire un ennemi asymétrique, avant de passer la main à d’autres. Aussi, l’action au sol restera déterminante et le rôle de l’armée de Terre primordial. Dans un contexte toujours interarmées, les forces terrestres, disposant de la réactivité, de la polyvalence et de la mobilité comme atouts majeurs, agiront aux côtés des forces spéciales, aériennes et maritimes. Pour cela, la préparation et l’expérience opérationnelles des unités doivent pouvoir se régénérer, afin qu’elles soient toujours prêtes aux engagements futurs.

Serval  pourrait préfigurer les opérations à venir où sera recherchée une empreinte optimisée en volume et dans le temps, avec une première phase d’engagement rapide et réussie, puis une transition vers une phase de faible visibilité avec de relais à d’autres forces.

Pour le général CEMAT, ce colloque participe ainsi à la réflexion que l’armée de Terre doit conduire pour orienter son effort d’adaptation doctrinale et capacitaire et lui permettre de mieux identifier les défis futurs à relever.

CEN(r) CROCE Hervé (CDEF/DREX/Bureau Recherche)

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