Ce  dernier article s’intéresse à l’approche techno-centrique des conflits de haute intensité héritée de la Guerre Froide. Selon celle-ci « la domination technologique devrait permettre des guerres courtes de haute intensité au cours desquelles les adversaires ne pourraient qu’être subjugués grâce à des équipements militaires hautement sophistiqués » est aujourd’hui contre-illustrée par les interventions asymétriques en Afghanistan ou dans la Bande Sahélo-Saharienne.

Cette approche, en écartant le champ de la conflictualité de la réalité des Français, risque toutefois d’induire de mauvaises interprétations qui pourraient à terme coûter à la défense nationale.

 

Ce document ne constitue pas une position officielle de l’armée de Terre.

 

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Protection individuelle du soldat versus vulnérabilité nationale à la mort : Le paradoxe de l’innovation capacitaire en matière militaire

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Le contexte stratégique actuel est marqué à la fois par l’hypothèse de la haute intensité - hypothèse que n’a jamais renié un modèle d’armée complet - et celle de l’installation dans le temps d’affrontements hybrides de type terroriste ou guérilla avec un spectre de l’emploi de la force très large en opérations extérieures (OPEX) comme intérieures (OPINT). Dès lors, la perspective technologique dans laquelle évoluent nos armées est marquée par la nécessité d’assurer un large spectre de missions dans un budget contraint en assurant une réflexion innovante en matière capacitaire. Pour autant, un regard trop confiant dans les innovations capacitaires pourrait vulnérabiliser une nation qui n’a pas connu la guerre sur son territoire depuis 1962.
Si le ministère des Armées a lancé une grande offensive en matière d’innovation capacitaire, il communique à dessein sur ce sujet à destination du secteur industriel civil et plus largement de la nation française en s’appuyant sur son caractère dual. « Priorité absolue » pour la ministre Florence Parly, l’innovation, tout en visant la protection maximale de nos soldats en opérations est ainsi présentée à la nation française comme un facteur de supériorité pour remporter les guerres de demain. Le soldat connecté, hyper-protégé, verrait s’éloigner le risque mortel du champ de bataille. Pourtant, si l’innovation capacitaire ne peut annihiler ce risque, une communication trop portée sur elle transforme le rapport à la mort de la nation pour laquelle le « sacrifice suprême » n’est plus une possibilité de l’engagement des forces mais la conséquence d’une faute opérationnelle. Dans le même temps, le coût exponentiel des programmes fragilise la souveraineté nationale quand ils sont conduits dans le cadre de coopérations internationales dans lesquels l’État engage une partie de son indépendance stratégique. Partie intégrante de la stratégie militaire (I), l’innovation capacitaire soutient aujourd’hui la connaissance mutuelle des armées et de la nation (II) mais risque, en étant mal comprise, d’affaiblir l’esprit de défense nécessaire à la pérennisation de la vie nationale tout en ouvrant la possibilité de faire de la population une cible identifiée.

Innovation et protection dans l’engagement opérationnel du soldat.

 

L’innovation a toujours accompagné les conflits armés et a notamment permis la distanciation physique du soldat par rapport au champ de bataille. Les armées contemporaines prennent donc comme une donnée la préservation des forces et, dans ce contexte, l’innovation capacitaire prend une place essentielle dans la décision politique (A). Reposant sur des engagements financiers de plus en plus importants, elle doit être envisagée dans son environnement international, afin d’évaluer son poids dans l’indépendance étatique en matière de défense et d’autonomie stratégique (B).

Innovation comme partie intégrante des conflits armés.

 

Les armées contemporaines cherchent à préserver leurs forces dans un contexte politique plus sensible aux décès en opérations. Pour ce faire, de nombreuses innovations ont été mises au point et on estime que le véritable tournant technologique récent a eu lieu pendant les guerres d’Irak (1990) et d’Afghanistan (2001) avec l’utilisation de drones aériens de reconnaissance, qui font de ces théâtres des terrains d’innovation majeurs. Leur utilisation rudimentaire pendant la première guerre du Golfe a toutefois prouvé leur fort potentiel militaire. En conséquence, dès les années 2000, les drones de surveillance ont été munis de missiles. Dans le même temps, afin de prévenir les IED, le recours aux outils de reconnaissance en amont de l’avancée des troupes en convoi est systématisé afin de préserver la vie des soldats et d’assurer une surveillance constante du terrain. Se jouent alors sur ces théâtres, une transformation des tactiques de combats poussée par la nécessité politique de protéger les combattants occidentaux. Parallèlement, dans la prolongation de la vision historique de la recherche en matière d’équipements, sont mises au point des innovations ayant pour finalité de rendre le soldat plus performant et de lui donner l’avantage dans l’engagement tout en protégeant la ressource humaine. Les équipements individuels ont ainsi été perfectionnés à l’image du programme Félin, considérant que les conditions de la victoire reposeront sur la consolidation légitime du soldat qui apparaît aujourd’hui comme le « maillon faible » dans les affrontements armés. Les réflexions prospectives s’inscrivent ainsi dans la recherche de l’augmentation du soldat grâce à des systèmes technologiques intégrés à effet direct sur le corps humain - anthropotechnie ou hybridation homme / machine.

 

 

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Auteur : Hélène Terrom, enseignant-chercheur à l’UCO (Angers), directrice du centre de recherche en éthique et droit de l’Ouest, chercheuse-associée au CReC.enseignant-chercheur à l’UCO (Angers), directrice du centre de recherche en éthique et droit de l’Ouest, chercheuse-associée au CReC.

 

 

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