Cet article se propose de prendre pour base « Sous le feu : réflexions sur le comportement au combat », écrit par le LCL Michel Goya, d’en tirer certains invariants de l’histoire du fantassin et de considérer les effets de la plus-value potentielle que la robotique militaire peut apporter au comportement du soldat dans les situations de combat, ainsi qu’en corolaire, ce que l’utilisation de robots par l’ennemi pourrait avoir comme effet sur ce même comportement.

 

Ce document ne constitue pas une position officielle de l’armée de Terre.

 

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Le comportement du fantassin dans le combat robotisé

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Le comportement du soldat sous le feu a fait l’objet d’une étude du colonel Goya, mise en ligne en 2006 sur le site du CDEF (ancienne appellation du CDEC) sous la forme d’un cahier de la réflexion doctrinale intitulé « Sous le feu : réflexions sur le comportement au combat ». Cette réflexion de haut niveau fait partie des lectures obligatoires des élèves-officiers en formation initiale aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.

Le soldat face à lui-même.

La confiance dans l’action.

Un robot militaire peut donner confiance au soldat s’il est pourvu d’un effecteur qui participe à sa protection. Il peut lui donner le sentiment qu’il n’est pas seul face à l’adversité, accompagné d’une machine qui risque sa vie à sa place, notamment dans les missions de reconnaissance où la majorité des pertes des fantassins surviennent en allant chercher le contact avec l’adversaire ou en rencontrant une mine. Il participe à l’effet nombre, il est une force accompagnant le soldat, fidèle et sûre car prévisible et ne craignant pas le danger. Le robot peut ainsi permettre à ce dernier de relever la tête face au danger, et de libérer son intense besoin d’agir en situation dangereuse, malgré une forte inhibition due aux dangers environnants et à la peur qui limite sa capacité de réflexion (Goya, Sous le feu, p. 26). Il devient aussi un pion tactique que le soldat peut déplacer sans risque pour créer une diversion ou faciliter un mouvement.

 
Le stress.

Le stress, face à un danger éprouvé par tout être humain, permet de se protéger des menaces potentielles. Néanmoins si le stress peut engendrer une stimulation positive des sens (meilleure perception, extra lucidité, prises de décision rapides), la peur quant à elle peut inhiber toute action du soldat. Or face à la peur, c’est souvent la voix du chef et la cohésion du groupe qui lui permet de se ressaisir. Souvent, dans le brouillard du combat, où le désordre est à son comble aux échelons de la troupe, le fantassin se raccroche à quelques consignes claires qu’il a reçues, comme le dernier ordre donné (lieutenant Héluin, cité par Goya dans Sous le feu, p. 9), et à condition qu’ils soient donnés (Goya, Sous le feu, p. 43). Un chef commande en effet à la voix ou au regard.

Le robot militaire ne peut apporter que peu de chose face à ces constantes humaines. Cependant, il peut être une aide s’il permet au chef de commander à distance ou d’insuffler une idée directrice forte à tous au cœur de la bataille, ou bien en rassurant le fantassin par le rappel ou la transmission des ordres et des consignes. On rejoint tout simplement ici le rôle d’un relais de transmission classique, radio ou visuel, permettant entre le soldat et son supérieur un échange que les distances ou les obstacles peuvent rendre difficile.

 

L’efficacité de l’arme du soldat.

L’efficacité des tirs dans les conflits est très souvent liée au risque de l’exposition au danger que le combattant doit prendre pour régler précisément son tir (Goya, Sous le feu, p. 53). Il effectue souvent un tir rapide, sans visée en situation de haute intensité. Or un tir imprécis est souvent inutile, sauf s’il sert à saturer l’adversaire.

En outre la nervosité réduit considérablement l’efficacité des tirs, le rendement d’une arme étant inversement proportionnel au risque induit par son usage.

L’apport de la robotique militaire est ici double :

  • tout d’abord les nouveaux systèmes d’armes seront plus précis que l’homme (géolocalisation, accrochage de la cible, etc.). Dès lors, le soldat va pouvoir demander à un robot d’assurer cette phase de tir de précision, ce qui augmentera son efficacité et réduira d’autant son risque d’exposition. Le soldat assurera la fonction de discrimination et de caractérisation de la cible puis laissera sous son ordre et son contrôle la dernière étape consistant à autoriser la délivrance du feu par la machine ou par un autre robot tireur au sol. Un robot-missile que l’on sollicite à distance peut tout à fait assurer cette fonction ;
  • ensuite, un ensemble de robots (nous y reviendrons plus loin avec la notion d’essaim) peut empêcher l’ennemi de vous viser, en lui imposant une menace constante au-dessus de lui avec une possible délivrance des feux.

 

Au travers de ces deux exemples, l’apport de la robotique permet au fantassin ami de se sentir appuyé par cette pression des feux robotiques potentiellement omniprésente sur l’ennemi, lui permettant d’utiliser ainsi plus sereinement l’usage de ses propres armes.

 

Une aide à la décision

Face au brouillard de la guerre et à l‘incertitude du combat au contact, il parait quelque peu difficile de donner à un robot une intelligence de situation consultable par un soldat au contact, lui permettant d’interroger en direct la machine sur la conduite à tenir en cours d’action. En effet le fantassin sous le feu ennemi se concentre sur quelques réflexes de base acquis à l’entrainement et possède une intelligence de situation réflexe. Mais il est tout à fait envisageable de le proposer au chef militaire qui, face à une situation tactique difficile, pourra interroger la machine pour une consultation des options tactiques possibles en fonction de la cartographie du terrain, de l’état restant des munitions, etc. On rejoint ici le module logiciel d’aide au commandement, avec consultation de bases de données, potentiellement embarqué dans une machine.

Cependant, face à un ennemi, le choix de la vitesse est essentiel (Goya, Sous le feu : la mort comme hypothèse de travail, p121). Le robot ne doit pas en conséquence apporter une surcharge cognitive au décideur, au risque de ralentir ou de complexifier ses mécanismes de décision.

[…]

 

 

Auteur : Gérard de Boisboissel, directeur de l’observatoire « Enjeux, des nouvelles technologies pour les forces », ingénieur de recherche au CReC.

 

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Crédit image : © DIRCOM de l’académie de Saint-Cyr. 


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